Réflexion philosophique
UN PROJET QUI PASSE PAR L’ECRITURE
Un travail de philosophie se concrétise le plus souvent dans un écrit : notre projet est ici de parler avec justesse du réel et de l’être humain.
Puisque nous avons un projet d’écriture, nous allons avant tout développement nous intéresser à l’écrit en tant qu’il permet d’exprimer la pensée.
Un écrit peut relever de différents types :
philosophie ;
art dont la littérature et la poésie ;
avoir pour objet la connaissance ;
…
Il est important ici de noter que, dans un écrit, le discours aurait pu être « autre » et autrement organisé. En fait, écrire correspond à un projet pour lequel on va faire le choix d’un langage particulier et d’un type d’écriture.
Ici, le langage nous précède : le commencement de l’Evangile de saint Jean (« Ἐν ἀρχῇ ἦν ὁ λόγος » ) pointe vers cet aspect.
Comme un écrit est basé sur le langage, les philosophies du langage dont la philosophie analytique et l’herméneutique, en particulier, présentent tout leur intérêt pour analyser tout écrit et cet écrit-même.
ECRIRE
Réfléchissons sur l’acte d’écrire : lorsque l’être humain, décide de s’exprimer avec le langage, c’est cette expression elle-même qui devient, pour l’autre, un moyen d’accès privilégié au projet de l’auteur.
LIRE
Lire, en revanche, est déchiffrer un écrit.
Le langage employé résonne, pour chacun, de façon multiple en fonction de son histoire personnelle. Chaque mot, chaque phrase prend de la saveur dans un ensemble plus vaste qui est la conscience du lecteur.
Notre écrit n’y fait pas exception.
REEL ET ETRE HUMAIN
(sens intuitif) : réel est pris ici dans un sens intuitif.
Ludwig Wittgenstein [1889-1951] disait : Le réel est tout ce qui arrive.
Ici, le terme de réel pourrait être remplacé par monde ou encore d’autres termes au choix du lecteur…
Tout ce que nous percevons du réel, tout ce que nous connaissons du réel se forme, dans le maintenant, par l’intermédiaire de contenus dans notre conscience d’être humain.
(constat) : Le réel apparaît dans la conscience de l’être humain dans le maintenant.
La question du réel s’est ainsi déplacée. Ce que nous rencontrons d’abord, c’est la place du « point de vue » humain dans l’accès au réel. La subjectivité est donc en première place : en tant qu’être humain, chacun de nous ne peut connaître le réel qu’en tant que conscience et par rapport à sa propre conscience.
Un contenu de conscience est un apparaître dans la conscience et consiste en :
perceptions :
sensations ;
sentiments ;
émotions ;
pensées :
pensée discursive [verbale] ;
pensée non-verbale [dont les images mentales] ;
pensée intuitive ;
mémoire ;
souvenirs ;
conscience « sans contenu » : vide de la conscience, perception « immédiate » du réel… ;
...
La phénoménologie (du grec : phainómenon, ce qui apparaît ; et lógos, étude) est ici un courant philosophique fondamental, car il se concentre sur l’étude de l’expérience et des contenus de conscience. Edmund Husserl est considéré comme le fondateur de ce courant.
(constat phénoménologique) : L’être humain est inséré dans un réel qui le précède. Il est câblé au réel par son corps et le corps lui-même est vu... au travers de la conscience.
Avec sa conscience et son expérience du réel, chaque être humain établit une sorte de carte de reconnaissance et de lecture du réel.
Généralement, une partie de la carte d’un être humain peut être lue par d’autres êtres humains et réciproquement. Les cartes peuvent être rapprochées et corrélées, c’est ce qui fonde la communication entre les êtres humains. L’intersubjectivité humaine (la communication et la comparaison des « cartes ») nous amène à inférer que le réel est partagé par les êtres humains : c’est la réalité « indépendante ».
VACUITE DU « MOI »
Le fait que nous ne soyons pas nos contenus de conscience pointe vers un Vide en nous, vers la Vacuité du « Moi » .
DU LANGAGE
Le langage a surgi et surgit encore de l’être humain qui est inséré dans le réel. Le réel et l’être humain donnent ensemble forme au langage.
Si on récuse le réel, le langage fonctionne en circuit fermé. Le discours ne produit que des effets de langage : c’est la position des sophistes. Mais il faut alors rendre compte du fait que le langage lui-même a ses règles. Car il y a des assemblages de mots qui sont permis pour produire un discours et d’autres non : la grammaire régit, en particulier, cet état de fait et un discours doit tenir compte des contraintes de la langue (en particulier, de la contrainte sémantique) et du réel.
Comme aujourd’hui le langage et un de ses dérivés, le langage des sciences, permet de modéliser le « réel », de l’expliquer, de le comprendre voire de l’utiliser, la position qui consiste à récuser le réel n’apparaît pas tenable. Il y a beaucoup de signes qui indiquent le contraire.
Dans ce cadre, le langage n’est pas un système clos sur lui-même ; il renvoie bien à un au-delà de lui-même ce qui permet de fonder une notion intuitive de réel. En fait, récuser le réel risque d’être une fausse voie ou à tout le moins une voie extrêmement difficile à penser (on peut penser ici à la voie du non-être que récusait Parménide).
DES LANGAGES DIVERS
L’être humain a à sa disposition une multiplicité de langages, dont le langage naturel, qui lui sont légués dans le cadre de l’expérience humaine. Chacun de ses langages permet une approche du réel.
Dans un premier temps, il doit s’approprier ces langages : ceci se fait par l’apprentissage de ces langages. D’une certaine façon, le langage est un filtre par lequel l’être humain rend compte du réel : le langage propose une voie d’approche du réel qui « moule » la vision du réel.
Notre investigation du réel passe dans cet essai par le langage naturel. C’est le chemin du dire et du redire.
Abordé « en situation », c’est-à-dire en relation avec l’être humain et le réel, le langage peut être un chemin de vérité.
De la même façon que la physique explore le réel au moyen des accélérateurs de particules, de même il faut casser le langage. Casser le langage, pour voir ce que les mots et les phrases recèlent, c’est alors faire rayonner la vérité.
Sur ce chemin, François Varillon nous met sur la voie :
« N’allez pas dire que je suis un intellectuel ; autrement, j’aurais vite fait de vous montrer que c’est vous qui l’êtes. Car celui qui est intellectuel au mauvais sens du mot est celui qui utilise des mots usés jusqu’à la corde sans les casser. Il faut casser les mots, comme on casse une tirelire ou un œuf de Pâques pour voir ce qu’il y a dedans. Je vous oblige à casser les mots, c’est indispensable. »
Cette démarche conduit, en particulier, à casser le langage… au moyen d’une expression qui utilise le langage.
LE LANGAGE NATUREL
Le langage s’est construit au cours de l’histoire humaine. Chaque individu se l’approprie : le langage est ainsi appris et aussi « reconstruit » au niveau individuel .
Vouloir retrouver les étapes de cette construction n’est pas une tâche aisée, surtout quand elles se perdent dans les brumes du temps historique et personnel.
Dans un dictionnaire, les mots sont définis les uns par les autres. Ils font partie d’un code commun à tous. Chaque mot est défini par un ou des discours.
Un symbole (qui peut être, en particulier, un mot ou une image) est immergé dans la conscience. Il a un champ plus vaste, qui n’est jamais défini avec précision, ni pleinement expliqué. Personne d’ailleurs ne peut espérer le faire. Lorsque l’esprit entreprend l’exploration d’un symbole, il est amené à des idées qui se situent au-delà de ce que notre raison peut saisir.
Nous définirons de façon générale comme symbole toute représentation claire arrivée à la conscience humaine. Un symbole « vibre » dans l’intériorité humaine ; il apparaît que, dans cette vibration, les symboles s’enchevêtrent entre eux. De ce fait, le sens d’un symbole reste toujours ouvert. Ce sens est plus ou moins flou, voire fluctuant. Dans l’intériorité humaine, les symboles ne sont donc jamais totalement disjoints et irréductibles l’un à l’autre : ils sont intriqués. La conscience abrite un système de symboles en forte interaction et en interrelations qui impacte la vision que l’être humain peut avoir du réel.
Un changement de symbolique (c’est-à-dire d’organisation d’un ensemble de symboles dans la conscience) et la vision du réel change (on peut penser en particulier ici à la symbolique d’une tradition humaine). Il semble donc qu’il y ait un lien immédiat entre vision du réel, symbole et symbolique.
Livrer la conscience, c’est raconter ses symboles : c’est organiser les mots en phrases. La narration, c’est-à-dire le discours, construit le sens, mais sert aussi à préciser ou à affermir un sens préexistant ou relatif à une l’expérience. Là, il importe de vouloir parler juste.
LA PUISSANCE DU LANGAGE
Le langage est ici notre compagnon. Le langage a ses limites, mais il a aussi une puissance singulière. Il permet de « fabriquer » un « univers » qui naît dans la sphère du langage. Certains discours seront plus ou moins vrais et d’autres illusoires. Il est essentiel d’avoir conscience de ce point quand on veut affermir un discours sur le réel. Car naturellement, un tel discours ne veut pas être illusoire.
Cette réflexion sur le discours est bien pertinente. Car l’être humain est souvent à cheval entre le réel et l’illusion. Il arrive même qu’il prenne l’un pour l’autre.
LE REEL FAIT DE NATURE ET ARTEFACTS
Si le réel est d’abord classiquement « ce qui arrive », la façon humaine de voir le réel est de dire que le réel est fait de Nature (SCHELLING) et aussi « organisé » humainement (ceci est lié à l’activité humaine et à ses artefacts qui sont les créations de l’être humain).
L’ETRE HUMAIN COMME « POINT DE VUE »
(constat phénoménologique) : L’être humain a une « vision locale » du réel, il est un « point de vue ».
Le « point de vue » qu’est l’être humain fonde la notion de personne (humaine).
L’ETRE HUMAIN COMME « POINT D’ACTION » SUR LE REEL
Chaque être humain est un « point de vue », mais il est aussi un « point d’action » sur le réel : il peut impacter le réel, par exemple, au moyen de son corps, mais aussi du travail, de la technologie et de l’agir-ensemble avec d’autres êtres humains : ici, les valeurs, l’éthique, la morale, le politique… prennent toute leur importance.
Voir l’être humain comme un « point d’action » sur le réel peut être à l’origine en philosophie des notions de liberté humaine ou de volonté humaine.
LE VOIR, LES VOIRS
L’être humain est un « point de vue », mais il peut considérer le réel sous différents angles [points de vue].
Nous appellerons Voir, la Vision [contenu de conscience] liée à un point de vue [et aussi, par extension, le point de vue].
L’être humain dispose d’une multiplicité de Voirs, dont le Voir conventionnel mais aussi des Voirs portés par des traditions, des religions, des spiritualités et des cultures qui lui sont léguées dans le cadre de l’expérience humaine.
Chacun de ses Voirs permet une approche spécifique du réel.
L’être humain peut acquérir de nouveaux Voirs et un même Voir peut changer au cours de la vie.
L’être humain peut s’approprier certains de ces Voirs, essentiellement par l’expérience de ces Voirs. Mais l’étude des Voirs peut aussi être fructueuse.
LE VOIR CONVENTIONNEL
Le Voir conventionnel s’est construit au cours de l’histoire humaine. Chaque individu se l’approprie et le fait sien : chaque culture humaine est ainsi « instanciée » au niveau individuel.
Vouloir retrouver les étapes de cette construction n’est pas une tâche aisée, surtout quand elles se perdent dans les brumes du temps historique et personnel.
Naturellement, le Voir conventionnel peut avoir besoin d’être purifié : nous pensons ici aux distorsions introduites par la construction de chacun.
LE VOIR SCIENTIFIQUE
Le Voir scientifique nous donne une vision du monde qui est celle des sciences…
LE VOIR PHILOSOPHIQUE
Le Voir philosophique, c’est l’exercice de la pensée philosophique. C’est le Voir que nous utilisons ici.
Le lecteur peut maintenant, s’il le désire, relire tout le discours que nous avons tenu jusqu’à maintenant (ou que nous tiendrons par la suite) avec son « Voir » (ou ses Voirs).
MODELES
Construire un modèle se faire, le plus souvent, par investigation du réel : la raison humaine est ici d’un grand secours.
Les modèles usuels sont ceux qui s’expriment dans un langage. Un modèle dans sa version la plus simple peut être rendu par un mot du langage : un mot correspond, en général, à un aspect persistant du réel.
Un modèle peut aussi découler d’intuitions et d’inspirations. Il peut aussi consister à faire « fonctionner » un langage . Cela peut amener aux limites du langage et permettre de franchir ces limites en devenant alors créateur.
Un modèle doit être cohérent pour la raison. Mais, l’essentiel est de confronter le modèle au réel. Cela peut se faire par l’expérimentation, par la justesse de ses prédictions ou par son évidence... On s’attachera à voir lorsque le réel résiste ou s’en écarte.
Ce qui doit être recherché, c’est qu’un modèle « colle » au plus près du réel…
Une carte n’est pas le territoire : un modèle est donc toujours interprétatif (et toujours en chantier) : en fait, les lois des modèles scientifiques ne sont pas si sûrement établies que celà : nous retrouvons ici la position de HUME.
Un modèle peut être reçu dans une communauté humaine, mais il est d’abord conscientisé par un être humain particulier. Un modèle colore le regard que l’on a sur le réel.
Notre conscience et les modèles construits au cours de l’histoire humaine nous donnent une connaissance (de plus ou moins bonne qualité) à propos du réel.
CARTOGRAPHIER
Cartographier, c’est produire des modèles (ou cartes) du réel (ou de « parties » du réel) à partir d’un Voir. L’être humain occupe ici la place centrale : c’est en effet lui qui est confronté au réel et qui en rend compte.
L’être humain peut ainsi disposer pour lui-même de plusieurs modèles et les valider pour lui-même. D’une certaine façon, le choix d’un modèle suppose une croyance en ce modèle et un modèle s’affermit d’autant plus qu’il rencontre le vécu et l’expérience.
Etre attentif à cartographier avec justesse le réel peut ainsi permettre une meilleure compréhension entre êtres humains et aussi de soi-même et du réel.
Ici l’auteur exprime sa propre carte du réel, il espère qu’elle recoupera celle du lecteur ou qu’elle permettra de l’enrichir. Son but est d’une certaine façon de jeter les bases d’une carte ou de morceaux de cartes du réel.
UNE METHODE
La cartographie du réel proposée ici se base sur l’expérience du réel.
DEMULTIPLER L’EXPERIENCE
Il est intéressant de « démultiplier » notre expérience.
On peut ainsi décider d’interroger l’histoire humaine et alors bénéficier de tout un ensemble de témoignages de personnes qui nous ont précédés ou qui sont nos contemporains. Il serait absurde de faire table rase des traditions humaines et du savoir humain. Cela permet de ne pas se limiter à sa propre expérience d’autant que l’on n’a pas tout à réinventer et que la vie humaine est courte. Cela va influencer évidemment notre prise de conscience et toute notre relation au réel.
Alors, il est possible de se laisser interpeller et d’enrichir ainsi sa propre compréhension. C’est ici qu’il est toujours intéressant de « critiquer » sa propre compréhension. C’est une marche en tension qui doit être rapportée à sa propre expérience.
Là est un aspect crucial de cette approche : peut-on faire confiance à ce qui est rapporté par des êtres humains ? Il faut ici évaluer (en étant critique, en faisant fonctionner sa raison et son jugement) et, le cas échéant, faire confiance.
Evaluer et faire confiance
Dans l’expérience démultipliée, on peut poser un acte de confiance : je fais confiance à d’autres êtres humains quant à ce qui m’importe, parfois le plus, dans ma vie. Cet acte de confiance n’est pas anodin. Faire confiance me décentre de moi-même, je reçois aussi d’autres ce qui est au cœur de ma vie. Ce décentrement m’évite de m’enfermer dans ma propre vie.
DES ATTITUDES FONDAMENTALES
Etre a l’écoute du réel
Pour cartographier le réel, nous préconisons une attitude fondamentale qui est celle de l’écoute du réel. Il faut laisser le réel venir à nous dans le maintenant et être attentifs. Car avant de parler, il faut avoir écouté.
Constater
L’être humain peut décider de se servir du réel comme un vaste champ d’expérience. Cela inclut aussi sa propre conscience, son corps qui vit.
Le constat fait appel à l’expérience, il permet de mettre des mots sur l’expérience. Lorsqu’un être humain entre en communication avec d’autres êtres humains, il peut s’apercevoir à cette occasion qu’au moyen du langage, en particulier, il peut avoir un consensus avec d’autres au sujet du réel. Il peut même décider de se servir de l’expérience des autres.
Le réel est observable à différentes échelles (par exemple, l’astronomie qui traite du monde des grands espaces… ou celui de la physique des particules).
Les possibilités humaines peuvent être aussi démultipliées : ainsi avec des appareils (microscope, télescope…) ou le calcul mathématique, par exemple. Ce peut être aussi le cas avec le silence intérieur dans la conscience qui fait émerger la conscience profonde.
Peut alors s’engager un dialogue avec le réel, y compris les autres êtres humains pour :
être a l’écoute du réel ;
entrer en relation avec le réel ;
communiquer ;
questionner ;
faire des hypothèses ;
vérifier ;
décoder et expérimenter les « grands textes de l’Humanité » ;
agir ;
donner des réponses ;
affirmer ;
utiliser sa raison ;
être critique…
Cette démarche de cartographie qui vise à l’établissement d’un modèle (ou carte) du réel et qui fait appel à l’expérience, possède une tonalité scientifique.
S’inscrire dans le maintenant
Dans son expérience du monde, l’être humain peut privilégier le maintenant. Non comme un instant qui s’écoule, coincé entre un passé et un futur, mais comme une plénitude, celle du jaillissement de sa propre vie.
La vie s’éprouve dans le maintenant et se déploie dans une histoire. Le maintenant est le vrai lieu des perspectives, même le recul que l’on en a. Le maintenant est le lieu de la manifestation du réel. C’est dans le maintenant que s’expérimente et se vit le réel. Même si ce réel reste voilé et parfois incompréhensible.
Le maintenant change. Pour résoudre et investiguer les différentes questions que nous nous posons, nous avons l’état du maintenant avec les traces de son changement. Ces traces nous confrontent au problème des commencements qui, souvent comme le nôtre, se perdent dans les brumes du temps... Ici nous avons besoin du témoignage des autres sur comment le réel où nous sommes insérés a changé.
Chaque être humain participe à l’histoire du réel et lui imprime une direction qui, sans lui n’aurait pas été. En ce sens chaque être humain imprime une trace indélébile au réel, comme le fait également tout être. Utilisons donc le maintenant pour construire le réel et appuyons-nous sur ce réel qui change.
Dans notre quête, sachons peut-être que nous n’avons pas tout à construire et tout à trouver : il est important, tout en restant critique, de faire confiance aux autres et de nous appuyer sur le réel tel que nous le trouvons...
DEUX CONSTATS FONDAMENTAUX
UN CONSTAT SUR L’ETRE HUMAIN
Chaque être humain est « en situation » dans le réel ; c’est-à-dire qu’il est inséré dans le réel. Il est fondamentalement un être de relation avec le réel, un être non clos sur lui-même.
L’être humain ne connaît le réel que par la représentation qu’il en a dans sa conscience : en particulier, celle que lui propose le langage et les contenus de conscience. Le langage permet, quant à lui, une classification du réel et sa dénomination. Cette classification s’apprend et change tout au long de la vie humaine.
La conscience
La conscience surgit dans l’être humain et le réel est vu au travers de la conscience. La conscience humaine est donc comme un miroir dans lequel se reflète le réel et où surgissent des représentations du réel.
Nous voyons le réel d’une façon humaine. Il existe d’autres points de vue comme celui des animaux, des plantes, des particules...
Le réel n’est perçu par l’être humain que de façon « iconique » : c’est-à-dire au travers de l’image du réel qui se forme dans sa conscience et qu’il perçoit (en particulier, par l’intermédiaire de son cerveau).
UN CONSTAT SUR LE REEL
L’un des premiers constats d’une cartographie du réel est qu’il y a persistance d’objets.
Le second est que le réel est affecté d’un changement : « Πάντα ῥεῖ : Tout s’écoule » disait Héraclite.
La persistance
La persistance oriente de façon fondamentale la connaissance humaine. Car pour que l’être humain puisse prendre conscience de quelque chose au niveau de sa conscience, il est nécessaire qu’il y ait persistance dans la conscience.
La persistance amène à reconnaître l’existence du réel. Le réel est, en effet, peuplé de « structures persistantes » : êtres vivants, objets... Il obéit à des lois, des régularités (comme le lever du soleil, par exemple).
La persistance renvoie à la notion grecque de « cosmos » (monde ordonné) et donc d’un réel non chaotique mais qui est structuré par une loi.
Le langage naturel surgit de l’être humain du fait de son vécu du réel. Il n’est possible que, parce que le réel présente de la persistance. En retour, le langage renforce la persistance du réel.
La persistance peut être à l’origine en philosophie d’une intuition de l’Etre en philosophie, des Idées comme chez PLATON ou des Archétypes chez SAINT AUGUSTIN.
Le changement
Le réel est affecté d’un changement. Les « structures persistantes » (objets, êtres humains, êtres vivants...) évoluent : elles sont même amenées à disparaître. La persistance renvoie fait constater que le réel est en évolution. Ici la persistance fait ressortir en creux le devenir.
Bien sûr tout dépend de l’échelle où l’on se place : la persistance dont nous parlons ici peut acquérir d’autres sens suivant l’échelle d’observation (siècle, millénaire... ou les temps très courts de la physique des particules).
Le changement est l’expression et l’essence même de la Vie.
Le changement peut être à l’origine en philosophie des notions de temporalité ou du réel comme processus.
ETRE UN ETRE HUMAIN
Chaque être humain s’insère dans une réalité qui le précède.
Chaque être humain est plongé dans la réalité.
L’être humain, au cours des époques, est sorti des mythes pour rentrer dans l’histoire devenue maintenant planétaire et marquée par :
l’unité de l’humanité ;
les droits et les devoirs de l’être humain.
L’histoire de la planète et de l’humanité est nôtre, elle doit permettre à chacun de devenir un citoyen dans le monde (avec les particularités de son époque) et de ne pas avoir à abdiquer sa dignité.
L’être humain essaie de trouver des réponses aux grandes questions qu’il se pose. Il peut à cette occasion accepter l’effondrement de certitudes qu’il croyait solides (mais en fait arbitraires) : c’est s’ouvrir l’espace même de la liberté, c’est un véritable retournement de l’être.
L’être humain s’aperçoit alors qu’il est aussi plus qu’il ne peut savoir de lui :
il ne s’est pas créé lui-même ;
il se construit avec les autres.
Il peut décider de s’ouvrir au monde et de faire confiance à sa raison critique. Sa conscience lui permet aussi de refuser un arbitraire posé par lui-même ou par d’autres êtres humains. Car l’arbitraire ne doit pas être érigé en absolu : cela conduit à en faire un faux dieu et à devenir son esclave.
L’être humain doit aussi accepter de rencontrer des limitations ou une part d’inconnaissance - peut-être provisoires.
Pour la science elle-même, l’être humain et le monde restent, par exemple, des mystères, car elle ne sait pas expliquer de nombreux « sauts » (de la matière vers la vie, de la vie vers la conscience, de la conscience vers la pensée...).
Dans cette quête de sens, l’être humain n’est pas seul ; il a été précédé, il sera succédé. Il peut trouver avantage à se tourner vers le « Trésor » accumulé dans les cultures et l’histoire humaine : en particulier les religions, les traditions anciennes véhiculées par les écoles initiatiques, les philosophies…
UNIVERSAUX
Construction et développement de l’être humain
Chaque être humain se construit et se développe « ensemble » avec d’autres humains : une famille, un groupe, une culture, une civilisation…
Environnement de l’être humain
L’environnement de chaque être humain (sauf quand il est dans la « pure » nature) est (et a été) construit par les êtres humains. L’être humain est donc entouré d’objets et de choses qui ont une intentionnalité (routes, maisons, chaises...) : cette intentionnalité est plus ou moins précise (cas des ordinateurs, par exemple).
Relations et communication
L’être humain se construit et se développe aussi dans les relations avec les autres vivants et la communication qui a lieu. Les difficultés qui surgissent dans la vie viennent souvent d’une communication ambiguë, mal décodée ou dysfonctionnelle (liée souvent à la mémoire ou aux blessures émotionnelles).
LE SAUT FONDAMENTAL
Le développement de la conception de l’être humain dans l’histoire humaine donne maintenant une place primordiale à l’auto-détermination de l’être humain : la personne pouvant donner forme à sa vie et décider ce qu’elle veut en faire.
Cette conception centrée sur la personne constitue le fondement du rôle des cultures humaines, des systèmes politiques... qui doivent (ou devraient) avoir pour vocation d’aider les individus à se déterminer eux-mêmes.
Donc, d’une certaine façon, l’être humain s’accomplit quand il devient vraiment créateur de sa réalité avec les contextes de vie et les contraintes de vie qu’il expérimente... C’est alors un saut quantique dans la vie de l’être humain où tout prend désormais une autre dimension.
LE PREMIER GRAND SAUT ?
Le premier grand saut dans sa vie, cela peut être de remettre sa vie à plat (dans son rapport à soi, aux autres, à Dieu, à l’argent…) et de décider d’aller désormais à l’essentiel. Dans le domaine spirituel ou religieux, on parle alors de metanoïa : c’est une « conversion » ou un changement de manière d’être et de vivre.
Naturellement, chacun peut refaire ce bilan plusieurs fois dans sa vie.
CE QUE DEVIENT NOTRE PROJET
Un projet possible peut être de « cartographier » le réel à partir des différents Voirs que l’on aura validés dans sa vie. Avec cette cartographie, nous serons peut-être en mesure de cerner les questions fondamentales de la vie et d’y apporter une réponse.
Les trois grandes questions qui surgissent ici et était déjà posées dès les origines de la philosophie en Grèce sont :
qu’est ce que le réel ? (question inspirée des pré-socratiques)
quelle est la structure du réel ? (question inspirée des pré-socratiques)
comment doit-on vivre (d’après SOCRATE) .
Ici, il importe de vouloir vivre juste.
QU’EST-CE-QUE LE REEL ?
L’APPARAÎTRE
Ce qui est fondamental, c’est l’apparaître dans la conscience de l’être humain : cet apparaître renvoie à l’acte d’apparaître du réel (en un surgissement) dans la conscience.
(acte d’apparaître) : Le réel apparaît en tant que ce qui arrive dans ma conscience dans le maintenant.
(acte d’apparaître) : Un événement est une modalité de l’apparaître dans ma conscience dans le maintenant.
Ici, un objet, une sensation… sont un événement : en fait, un événement-objet, un événement-sensation…
QUELLE EST LA STRUCTURE DU REEL ?
Etudier la structure du réel (et aussi de l’être humain) passe par l’étude de la Nature, la mathématisation du réel, la nature de l’Art, l’impact du travail et des technologies...
ÉVOLUTION ET HISTOIRE HUMAINE
Le réel est le lieu d’une évolution et d’une histoire des hommes : ceci est suggéré par les traces du changement du réel dans le maintenant.
Pour accéder à cette évolution et à cette histoire des hommes, nous pouvons utiliser les grands textes de l’humanité qui sont souvent mythiques en ce qui concerne les commencements.
Nous pouvons aussi étudier les traces du passé dans le maintenant en utilisant une approche scientifique : c’est l’objet de ce qui suit.
le cosmos a commencé et évolué (mais, l’être humain n’existait pas encore) : des modèles du réel issu de la physique nous donnent accès à ce commencement et à l’évolution qui a suivi ;
la Terre s’est formée, a évolué et la Vie s’y est développée : c’est l’objet des sciences naturelles et des théories de l’Evolution des espèces (cf. DARWIN) ;
l’histoire humaine a commencé avec les premiers écrits humains : elle est l’objet de diverses sciences .
LES SCIENCES
Les différentes sciences sont puissantes pour donner une idée de la structure du réel : à propos de la Nature, de l’organisation humaine du réel ; physique fondamentale, physique, sciences de l’homme dont la médecine et la psychologie...
LES GRANDS TEXTES DE L’HUMANITE
Les grands textes de l’humanité peuvent donner des réponses plus ou moins complètes à cette question : « Quelle est la structure du réel ? ».
Une façon de Voir est, par exemple, d’affirmer que l’on connaîtra la structure du réel une fois que l’on connaît la structure de la conscience humaine ou la structure de l’être humain…
INTERROGER LES « EVIDENCES »
Avec SAINT AUGUSTIN, nous pourrons interroger les « évidences » et, en particulier, les concepts de temps et d’espace : « Quand on me demande pas ce qu’est le temps, je le sais. Mais si on me le demande et que j’essaye de l’expliquer, je ne le sais pas ».
Le réel est perçu en tant qu’ « image » ou représentation dans notre conscience : cette représentation nous est personnelle.
Nous pouvons certes reconstruire des concepts de temps et d’espace liés à cette représentation (concepts qui nous viennent de notre culture), mais nous pouvons aussi aborder cette représentation avec une approche différente : comme un maintenant animé d’un changement, cela sans nous référer à un cadre spatio-temporel (cela ne nous empêche pas, bien sûr, d’être pragmatique par rapport aux notions de « temps » et d’« espace »).
COMMENT DOIT-ON VIVRE ?
L’ART D’ETRE HUMAIN
Pour être sur la voie d’un être humain accompli, voici quelques pistes :
aimer inconditionnellement (chacun peut décider de le faire dès maintenant puisque c’est inconditionnel) ;
s’aimer soi-même inconditionnellement ;
aimer les autres inconditionnellement ;
aimer le réel inconditionnellement ;
entrer dans les dynamiques de pardon si nécessaire ;
intégrer sa tête et son cœur ;
connaître ses fondamentaux (par exemple, ses valeurs) ;
décider de ses fondamentaux ;
les vivre sans compromission en toute intégrité ;
entrer dans les dynamiques de service des autres ;
(avoir confiance) : se laisser transformer par le réel.
L’ART DE VIVRE HUMAIN
Pour être sur la voie d’une vie humaine accomplie, voici quelques pistes :
aimer ;
vivre simplement ;
se désencombrer ;
aller à l’essentiel.
Il semble aussi fondamental d’utiliser les outils suivants :
la vraie Gnose (au sens de Connaissance véritable) et l’étude comme outils de son intelligence qui servent à élucider la vie, le réel et les faits ;
l’intégration toujours plus poussée de sa tête et de son cœur ;
la méditation pour « assouplir » sa conscience et fonder sa vie et son action ;
On peut aller plus loin :
en étant ouvert à ce qui se passe dans le réel ;
(avoir confiance) : en se laissant transformer par le réel ;
en entrant dans les Voies suivantes :
le service envers les autres ;
l’acceptation et la mise en oeuvre de son (ou de ses) leadership(s) ;
le don de soi ;
en approfondissant toujours son chemin (en particulier, par la conversion permanente (Épochè et metanoïa)).
L’Art de Vivre humain est un équilibre entre autonomie et communion (avec tout le réel).
ANNEXE : METAPHORE DE LA METAPHYSIQUE
Pour essayer de préciser ce qu’est (ou pourrait être) la métaphysique, nous allons utiliser une métaphore.
Nous décrirons la réalité nouménale (qui est l’Objet de la métaphysique) au moyen d’« objets nouménaux » qui sont étroitement intriqués et qui forment une unité.
Dans l’histoire de la philosophie, on peut reconnaître comme « objets nouménaux » :
les Idées de PLATON ;
les Archétypes de SAINT AUGUSTIN ;
l’essence (ou la substance) de la scholastique médiévale (en particulier, SAINT THOMAS D’AQUIN) ;
…
Comme pâle métaphore d’un « objet nouménal », nous utiliserons la technologie des objets qui est utilisée en informatique pour programmer.
Considérons l’objet Cercle :
Cercle
attribut rayon ;
méthode tracerLeCercle() ;
L’objet Cercle peut être compris comme une métaphore d’un « objet nouménal ».
Un objet est instancié : il est alors « activé », c’est-à-dire qu’il apparaît alors dans le réel comme instance de l’objet quand nous donnons une valeur aux attributs de l’objet (par exemple, rayon -> 1 m).
Ensuite, nous pouvons décider d’exécuter une méthode de l’objet [par exemple, tracé sur l’écran d’un ordinateur avec la méthode tracerLeCercle() du Cercle instancié].